Mercredi 28 février au soir, les craintes d’un conflit commercial mondial sont réapparues après la décision du président des Etats-Unis de taxer les importations d’acier et d’aluminium, à hauteur de respectivement 25% et 10%. Les menaces de réponses des autres pays, notamment en Europe, ont été rapides et les marchés ont réagi très négativement. Quels sont les raisons et les risques d’une telle décision ? Sera-t-elle vraiment mise en pratique ? 

De vives réactions à la suite de l’annonce des taxes à l’importation

L’annonce de telles taxes a été perçue très négativement pour les marchés financiers : le S&P 500 a perdu près de 3% entre l’annonce mercredi soir et la clôture du marché le lendemain. Les principaux indices boursiers en Europe ont chuté dans les mêmes proportions, craignant un début de conflit commercial mondial. La réponse des entreprises a d’ailleurs été immédiate. Naturellement, ce sont celles qui importent des produits concernés qui sont montées les premières au créneau mais elles ont rapidement été rejointes par d’autres. L’Europe a par ailleurs immédiatement préparé des contre-mesures concernant les droits d’importation de produits américains en acier, industriels et agricoles. La liste n’a pas encore été dévoilée mais la Commission européenne a précisé qu’elle pourrait taxer notamment le beurre de cacahuète, le jus d’orange ainsi que le bourbon américain et les motos Harley Davidson (le choix de ses produits n’est pas anodin !).

Les réactions ont donc été vives, partout dans le monde mais également dans le parti même de Donald Trump. Son principal conseiller économique, Gary Cohn, a annoncé dans la foulée sa démission. Ancien numéro deux de Goldman Sachs, Gary Cohn était considéré comme un force modératrice au sein de la garde rapprochée du président américain. Son départ attise donc un peu plus les craintes d’une guerre commerciale en lien avec une position plus radicale de la part de la Maison Blanche.  Cette démission a entrainé un nouvel affaiblissement du dollar.

Des mesures qui touchent des pays « amis » des Etat Unis

Si les réactions dans le monde ont été si nombreuses, c’est que ces barrières douanières auront un impact majeur sur plusieurs activités aux Etats-Unis. En effet, de nombreux secteurs se situent en aval de la production d’acier et d’aluminium, en premier lieu l’automobile et l’aéronautique. Les entreprises de ces secteurs dépendantes des importations d’acier subiront mécaniquement une hausse de leurs coûts et pourraient même les pousser à délocaliser leurs activités. Au niveau mondial, les conséquences dépendront des réponses des autres pays mais pourront également être importantes. Les Etats-Unis sont en effet les plus gros importateurs de métal dans le monde. Ils ont importé en 2017 26.9 millions de tonnes d’acier[1]. Les taxes toucheront tous les pays exportateurs. Les plus touchés seront le Canada (16% des importations), suivi par le Brésil (13%), la Corée du Sud (10%), et le Mexique et la Russie (9% chacun). Les pays européens seront donc moins impactés mais ils envisagent tout de même des contre-mesures afin de mettre la pression sur le gouvernement américain. Une guerre commerciale serait ainsi très négative pour le commerce et donc pour la croissance mondiale.

Un simple « show » de la part de Donald Trump ?

En menaçant le monde d’augmenter les droits de douane, Donald Trump a rappelé que les mesures protectionnistes faisaient partie de son programme initial de campagne. Cette approche s’inscrit donc certainement dans une logique électoraliste, alors que la réforme fiscale a été perçue pour beaucoup comme un « cadeau pour les plus aisés ». En adressant cette question, Donald Trump retrouve donc les thèmes qui ont fait le succès de sa campagne.

En outre, en pleine renégociation des accords de l’Alena (zone de libre-échange entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique), la menace de barrière douanière est un moyen pour Donald Trump de mettre la pression sur le Canada et le Mexique pour obtenir un assouplissement en faveur des producteurs américains.

On peut donc légitimement se demander si cette menace de protectionniste est sérieuse ? Les marchés ont d’ailleurs arrêté de corriger très rapidement, comme si les craintes s’étaient apaisées dans la foulée, ne croyant pas les annonces du président américain. Il est en effet probable que Donald Trump ne mette pas en application ces taxes. Déjà parce que ce genre de projet doit être voté par le Sénat et la Chambre des Représentants, et que beaucoup de parlementaires se sont déjà prononcé contre ces taxes. Ensuite, comme nous avons vu, cette démarche protectionniste peut avoir été faite dans une simple logique de pression dans le cadre de la renégociation des accords de l’Alena.

Nous estimons néanmoins que le risque de conflit commercial n’est pas nul. Les derniers chiffres US sur le commerce extérieur publiés le 7 mars vont en effet donner de la légitimité aux partisans d’une politique plus protectionniste. Au mois de janvier, le déficit commercial  a augmenté de 5% à 56.6 milliards de dollar soit le niveau le plus élevé depuis octobre 2008. Encore plus sensible, le déficit avec la Chine a explosé (+17%) à 36 milliards de dollar, et celui avec le Canada est au plus haut depuis 3 ans. De quoi donner des arguments à Donald Trump…

[1] Chiffres de l’ «International Trade Administration »

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